Pollution, quand tu nous tiens...
Les polluants nous envahissent, les dauphins s'échouent en masse, une "frise chronologique" découverte dans la glace en Antarctique… La newsletter sciences est de retour !
Ils sont partout… mais qui sont vraiment ces polluants ?
Mercredi dernier, nous vous parlions du PFOA dans l’eau de la ville de Rumilly. Le lendemain, deux études ont été publiées révélant la présence de TFA, un autre polluant éternel, dans l’eau du pays. Depuis le début de l’année, les scandales s’accumulent. Décryptage.

Aujourd'hui encore, il est question de pollution. Rassurez-vous, ça ne devrait pas être le cas toutes les semaines (on espère). Mais voilà, les polluants font encore parler d’eux.
Des interrogations autour du TFA
Jeudi dernier, deux études sont tombées : une du laboratoire Eurofins et l’autre de l’UFC-Que Choisir avec l’association Générations futures. Les conclusions ? L’eau française contient d’importantes concentrations d’acide trifluoroacétique (TFA). Cette molécule est issue de la dégradation de substances utilisées par l’industrie. C’est aussi le produit de dégradation de pesticides comme le flufénacet, classé perturbateur endocrinien par l’Europe. De plus, le TFA fait partie des PFAS, les polluants éternels. Et il est présent partout. Hans Peter Arp, chercheur à l’université de sciences et technologies de Norvège, précise au Monde : « La concentration de TFA augmente rapidement dans l’eau, le sol, les plantes, les jus de fruits, le vin, et donc dans le sang également. » Ses propos ont de quoi inquiéter d’autant que quelques études relèvent déjà une toxicité potentielle sur le foie et la reproduction.
CVM = cancérogène
Mais il n’y a pas que le TFA dans la vie… et dans l’eau. Avez-vous entendu parler du CVM ? C’est l’abréviation de chlorure de vinyle monomère. Cette substance a longtemps été utilisée pour fabriquer les tuyaux des canalisations en PVC (polychlorure de vinyle). Avec le temps, ces vieux tuyaux se détériorent et libèrent le CVM dans l’eau. Un article en date du 16 janvier, révèle la présence de quantités élevées de CVM dans l’eau du robinet. « Il y a eu des cas partout, par exemple dans le Loiret, en Sarthe, en Indre-et-Loire ou encore dans le Gers », énumère Gaspard Lemaire, chercheur et auteur de l’article, pour France Culture. Ici, le danger est incontestable. Le composé est classé depuis 1987 comme « cancérogène certain » par le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC).
Le plastique n’est plus fantastique
Qu’en est-il des microplastiques ? Plus fins que nos cheveux, ils se retrouvent dans l’environnement, la nourriture… Mais, il semblerait que l’on sous-estime leur présence dans l’eau. Avec sa directive 2020/2184, l’Europe analyse les microplastiques d’une taille de 20 micromètres (µm) à 5 millimètres (mm). Mais une étude, publiée le 15 janvier, revient sur cette échelle de détection. Elle met en avant que 98% des microplastiques présents dans l’eau potable ne sont pas repérés. Pourquoi ? Car ils font moins de 20µm. Une taille qui favorise leur entrée dans notre organisme et jusque dans nos cellules. Une contamination qui peut provoquer des inflammations et possiblement attaquer l’ADN comme l’explique Guillaume Duflot, chercheur à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pour Reporterre en 2023. En clair, ce n’est pas demain la veille que nous échapperons aux polluants.
Thomas CHEVALLIER
"Les changements climatiques vont changer la façon dont les insectes, qui transmettent les pathogènes, peuvent évoluer et changer d'environnement."
a expliqué Yasmine Belkaid, directrice de l’Institut Pasteur au micro de France Info, le 22 janvier. La spécialiste souligne une accélération des épidémies de virus depuis 30 ans due aux dérèglements climatiques et à la déforestation. Des facteurs qui déplacent des populations d’animaux et d’insectes potentiellement porteurs de maladies transmissibles à l’homme.
L’hécatombe dans l’Atlantique
La pêche intensive, le réchauffement climatique ou la pollution sonore. Plusieurs facteurs peuvent expliquer les nombreux échouages de dauphins sur les côtes atlantiques depuis le début du mois.
Des visions d’horreur se succèdent depuis le début de l’année 2025 sur les plages qui bordent l’Atlantique. Les dauphins ne nagent plus dans l’eau mais luttent pour leur vie sur le sable. 140 dans le Nord-Ouest de la Somalie,18 dans la baie de Cancale en Bretagne et 2 sur l’île d’Oléron. Comment expliquer ces multiples échouages ? Les scientifiques avancent plusieurs hypothèses.
Le réchauffement climatique. Et oui, toujours lui. Les dauphins sont attirés par leurs proies le long des plages. Ils se nourrissent en grande quantité de sardines, de sprats - petits poissons proches du hareng - et d’anchois. La hausse des températures favorise la survie de ces derniers, d’après un article de Libération. Or, ces espèces vivent très près des côtes dans l’Océan Atlantique. En les pourchassant, les cétacés se retrouvent piégés par les marées descendantes ou par la vase. François Serano, docteur en océanographie, nuance au micro de Chaud Devant : « Les dauphins ont l’habitude de nager et chasser avec très peu de profondeur d’eau. Il est donc rare qu’ils s’échouent pour cette raison même s’il peut exister des circonstances particulières. Les animaux aussi font des erreurs ».
Passer entre les mailles du filet
La pollution sonore a aussi son rôle à jouer. Les dauphins se repèrent dans l’immensité de l’océan par écholocation. Ils émettent des ondes qui rebondissent sur les objets alentours. Côtes, bateaux, roches ou autres êtres vivants. Ce mécanisme leur permet d’établir une cartographie précise de leur milieu de vie. L’intensification croissante du trafic marin pourrait les déstabiliser.
Les sonars des dauphins ne sont pas non plus faits pour repérer les filets de pêche. Résultat : nombre de ces mammifères se retrouvent prisonniers de chalutiers. Les captures accidentelles sont responsables de près de 80% des morts de dauphins d’après l’IFREMER (Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer). François Serano précise auprès de Chaud Devant : « Même les dauphins sans lacérations apparentes sont, dans la grande majorité des cas, victimes de la pêche. Pris dans les mailles, ils meurent d’anoxie – c’est-à-dire d’absence d’oxygène ».
À leur manière, les dauphins contribuent à limiter le réchauffement climatique. « En se nourrissant en profondeur, puis en faisant leurs besoins, ils ramènent du fer et de l’azote à la surface, des nutriments essentiels à la croissance du phytoplancton, qui participent à capturer le carbone de l’atmosphère », explique le biologiste Jean-Luc Jung à Libération. Chaque mort de dauphin est donc un revers pour l’environnement.
Marnie Abbou
25 millions
C’est le nombre de kilomètres de routes construites pour 2050 dans le monde. 30 fois plus que la distance Terre-Lune, selon les Nations-Unies ! Une menace pour la biodiversité et les populations humaines, puisque ces constructions prévoient la destruction de forêts, de montagnes et de l’habitat naturel de nombreux animaux sauvages.
Antarctique : 1,2 million d’années d’histoire climatique découvertes dans la glace
Une remontée inédite dans l’histoire de la Terre. Au cœur de l’Antarctique, les scientifiques du projet européen « Beyond EPICA – oldest ice » ont extrait, début janvier, des traces de glaces datées de 1,2 million d’années. Forée à 2800 mètres de profondeur, l’immense “carotte” glaciaire renferme des indices sur le climat, la température et la composition atmosphérique au moment de sa formation.
Une sorte de frise chronologique congelée qui permet aux climatologues de documenter les cycles de la Terre et de comprendre pourquoi le climat évolue. "Il y a des grands cycles glaciaires et interglaciaires, avec des réchauffements rapides de l'ordre de 10 000 ans et des glaciations lentes de l'ordre de 90 000 ans. Ces cycles durent donc environ 100 000 ans. Mais ils n'ont pas toujours existé. Ils sont apparus il y a environ un million d'années”, explique Frédéric Parrenin, directeur de recherche au CNRS et coordinateur scientifique français à France 3 Rhône-Alpes. Cette nouvelle découverte pourrait permettre de préciser le rôle du CO2 dans l’évolution de notre climat passé. Et d’affiner les projections du GIEC sur le climat futur.
Biocénose : Un podcast pour comprendre les dernières découvertes en écologie.
"Préparez vos bottes virtuelles pour cette aventure ”, propose Elise Verrier, jeune enseignante-chercheuse à l'université UniLaSalle de Beauvais, dans son podcast Biocénose. Chaque mois, la jeune scientifique embarque ses auditeurs dans une exploration des avancées scientifiques en matière d’écologie. Et pas question d’être barbant ! Son crédo c’est la vulgarisation. Elise Verrier “cause” d’ADN environnemental, d’espèces envahissantes ou encore de l’application “INPN espèces”, le Pokémon Go des scientifiques. Et pour ça, elle alterne les flashs de 5 minutes et les interviews long format et joyeuses avec des confrères. De quoi réconcilier avec la SVT !