Les partis politiques européens s'emparent des revendications agricoles
Valence élue capitale verte de l'Europe, les élections législatives dans le petit archipel des Tuvalu et la Norvège condamnée à l'issue d’un procès pour le climat au programme de ce lundi.
La campagne européenne fragilise le Green Deal
La colère du monde agricole avait déjà grondé depuis les Pays-Bas et jusqu’en Roumanie. Si la France est aujourd'hui confrontée aux blocages des agriculteurs, l’Union européenne tout entière craint une expansion du mouvement.
Depuis Bruxelles, les clameurs des agriculteurs hollandais, roumains et plus récemment français et allemands inquiètent. Opposés au Green Deal, pacte vert européen perçu comme symbole de l’écologie punitive, les agriculteurs bloquent certaines régions d’Europe. Si ce pacte engage l’Union sur la voie de la transition écologique, ses ambitions paraissent intenables pour les agriculteurs mécontents. Alors, pour se faire entendre auprès des représentants politiques, les agriculteurs haussent le ton contre ces normes environnementales contraignantes.
Souhaités par l’Union européenne, les progrès écologiques et l’indépendance alimentaire semblent pourtant irréconciliables. “Si les ambitions du Green Deal sont justifiées dans un contexte de lutte contre le dérèglement climatique, elles posent problème au secteur agricole. Le sujet a été instrumentalisé et les débats se sont polarisés”, résume Jérémy Decerle, député européen de Renew (parti centriste et libéral).
Le soutien conservateur aux agriculteurs
Inquiétés par les sondages annonçant une montée de l’extrême-droite aux élections européennes, les partis conservateurs et Etats membres les plus agricoles s’emparent des revendications du secteur. En durcissant leur position sur le Green Deal, ils réaffirment leur soutien aux agriculteurs en crise. Surtout, ils replacent l’indépendance énergétique européenne en tête de leurs priorités.
Si 30 % du budget européen est destiné à l’agriculture, les difficultés financières de ceux qui contribuent à la sécurité alimentaire du continent demeurent. Hausse des taxes sur le gazole, concurrence des importations ukrainiennes, réduction de l’usage des pesticides… Ce millefeuille de restrictions et législations abîme la compétitivité du secteur.
Alors, en imitant les partis d’extrême droite, les conservateurs du Parti populaire européen défendent à leur tour les intérêts agricoles. Dès juillet 2023, cet influent parti — qui rassemble 25 % des députés européens à Bruxelles — affaiblissait le règlement sur la restauration de la nature. Plus tard, en novembre, il vidait de son contenu le texte visant à réduire l’usage des pesticides. Les partis conservateurs s’unissent ainsi à la colère des agriculteurs. Quant à l’objectif de neutralité carbone, escompté d’ici 2050, il vacille au rythme de la colère agricole.
Adèle Loisel
“Mon administration annonce aujourd'hui une pause temporaire dans les décisions en cours concernant les exportations de gaz naturel liquéfié […]. Au cours de cette période, nous examinerons attentivement l'impact des exportations de GNL sur les coûts de l'énergie, la sécurité énergétique des États-Unis et notre environnement. Cette pause tient compte de la crise climatique pour ce qu'elle est : la menace existentielle de notre époque.”
Joe Biden, président des États-Unis, a annoncé vendredi 26 janvier un moratoire sur les nouvelles exportations de gaz naturel liquéfié. Une décision saluée par les défenseurs de l’environnement.
Clap de fin pour Kausea Natano, l’architecte du premier accord de mobilité climatique
Le Premier ministre des Tuvalu, archipel du Pacifique Sud, a été battu lors des élections législatives. Son pragmatisme face à la montée des eaux n’aura pas suffi à convaincre les électeurs, hostiles à un accord militaire avec l’Australie.
“Tuvalu sera toujours un État, même sous l’eau”, avait affirmé Kausea Natano, en septembre 2023, en marge de l'Assemblée générale de l’ONU. Et Tuvalu sera toujours un État, même sans Kausea Natano à la tête du gouvernement. Le Premier ministre sortant de ce petit archipel de 11.000 habitants du Pacifique Sud a perdu son siège lors des élections législatives.
En quatre ans, Kausea Natano s’est attelé à capter l’attention de la communauté internationale sur le réchauffement climatique. Lors de la COP26 en septembre 2021, son ministre des Affaires étrangères avait tenu un discours les pieds dans l’eau, pour alerter sur la montée des eaux. Des images frappantes qui ont fait le tour du monde, alors que les Tuvalu pourraient devenir inhabitables d’ici à 2100.
À l’occasion de la COP27, qui s’est tenue en novembre 2022 à Charm El-Cheikh en Égypte, Kausea Natano a fait des Tuvalu le deuxième État à rejoindre l’initiative pour un traité de non-prolifération des énergies fossiles. “L’addiction du monde au pétrole, au gaz et au charbon ne peut pas faire sombrer nos rêves sous les vagues”, avait déclaré l’ex-Premier ministre à la tribune.
Kausea Natano a su faire preuve de pragmatisme pour anticiper le pire et protéger sa population. Le fait le plus marquant de son mandat reste la signature du premier traité mondial sur la mobilité climatique, conclu avec l’Australie. Chaque année, 280 citoyens tuvaluans pourront bénéficier d’un visa leur permettant d’émigrer en Australie afin d’y vivre, étudier et travailler, tout en bénéficiant des droits sociaux.
Ce texte a toutefois été critiqué par l’opposition tuvaluane, qui le qualifie de “pacte militaire déguisé en réponse au changement climatique”. Avec ce traité, l’Australie s’engage à assurer la défense des Tuvalu. Mais en contrepartie, sans l’aval de l’Australie, l’archipel ne peut signer aucun accord de sécurité avec d’autres pays.
Les électeurs ont sanctionné ce que beaucoup perçoivent comme une atteinte à la souveraineté des Tuvalu. La défaite de Kausea Natano, favorable à Taïwan, fait désormais craindre un rapprochement de l’archipel avec la Chine. Mi-janvier, le micro-État voisin de Nauru a rompu ses relations diplomatiques avec Taipei pour en nouer avec Pékin.
Hicham-Mehdi Zemrani
94%
C’est le pourcentage de Français qui souhaitent interdire l’importation de produits étrangers ne respectant pas les normes imposées aux agriculteurs hexagonaux, selon un sondage CSA pour CNews.
Face à l’État norvégien, un procès victorieux pour le climat
Le 18 janvier, le tribunal d’Oslo a invalidé trois permis d’exploitation accordés à des géants pétroliers norvégiens. Il a également condamné la Norvège pour ne pas avoir étudié en amont les impacts écologiques de tels projets.
Aux racines du procès : la branche norvégienne de Greenpeace et l’association Natur og ungdom (Nature et Jeunesse), qui ont amené devant la justice l’État norvégien. Ces organisations avaient déjà intenté un premier procès à l’État en 2017. Elles l’accusaient alors de violer la Constitution du pays et ses engagements internationaux, en continuant à délivrer de nouvelles licences d’exploration et d’exploitation pétrolière sans étudier leurs conséquences écologiques.
Si la plainte avait été rejetée par la Cour suprême, elle s’était néanmoins soldée par une victoire pour l’avenir. L’État norvégien est désormais contraint d’évaluer l’impact sur le climat de tout nouveau projet pétrolier, avant d’octroyer une licence.
Le tribunal d’Oslo s’est donc référé à la décision antérieure de la Cour suprême pour condamner l’État norvégien, qui compte cependant faire appel. Parmi les trois permis d’exploitation invalidés, seule une entreprise était déjà en activité. En attendant la décision définitive, celle-ci peut néanmoins poursuivre son exploitation des fonds marins.
Valence est la nouvelle capitale verte de l’Europe
Après Tallin en 2023, Valence obtient le prix de la Capitale verte de l’Europe, décerné chaque année par la Commission européenne. La troisième ville espagnole est récompensée pour ses efforts “dans le domaine du tourisme durable, de la neutralité climatique et de la transition écologique équitable et inclusive”. Connue pour sa Cité des arts et des sciences à l’architecture futuriste, Valence regorge d’espaces verts, à l’instar des jardins du Turia et du parc naturel de l’Albufera. Cette ville culturelle, balnéaire et bon marché a attiré plus de 2 millions de touristes en 2022.